Tuesday, 6 May 2014

L'île des centenaires


L'île des centenaires

L’espérance de vie, dans les pays industrialisés, est en constante augmentation. Mais rares sont ceux qui traversent la vieillesse en bonne santé. Les habitants de l’île d’Okinawa, au Japon, montrent comment y parvenir.




Manger moins augmente la longévité
Les scientifiques en auraient trouvé la preuve sur l’île d’Okinawa, dans l’océan Pacifique : les habitants de cette île japonaise vivent exceptionnellement vieux. Les seniors d’Okinawa sont tous légèrement sous-alimentés mais en bonne santé.




Une habitante centenaire de l'île d'Okinawa nous fait une démonstration de sa forme étonnante.



Le site de l'étude "Okinawa Centenarian Study"
Comment devenir centenaire tout en restant vaillant et en bonne santé ? Selon Henrikje van Andel-Schipper, la recette est on ne peut plus simple : manger du hareng mariné, boire chaque jour un verre de jus d’orange et 3continuer à bien respirer3. On peut sûrement faire confiance à la vieille dame : non seulement cette Néerlandaise fut un temps la doyenne de l’humanité, si l’on en croit le Guinness des records, mais surtout elle vécut jusqu’à l’âge de 115 ans en ayant échappé à la plupart des maux de la vieillesse.


Vivre vieux est moins une question de gène que de mode de vie

Depuis des dizaines d’années, les chercheurs tentent de percer le secret d’une longévité exempte de maladie. Des manipulations génétiques leur ont permis de prolonger de six fois la durée de vie de certaines souris et même de dix fois celle de cultures de levures. Bradley Willcox, du Pacific Health Institute de Hawaï (États-Unis), a récemment découvert le gène appelé FOXO3A, dont une variante déterminée peut doubler, voire tripler la probabilité qu’un être humain devienne centenaire. Mais la plupart des gérontologues en sont désormais convaincus : vivre vieux en restant épargné par les infirmités physiques ou mentales est moins une question de gènes que de mode de vie. Plusieurs études font apparaître, il est vrai, que l’origine joue un rôle et que certains gènes peuvent favoriser la longévité. Mais globalement, le patrimoine génétique ne détermine pas plus de 20 à 30% de la durée de vie.

Ce qui est décisif, c’est plutôt de bien traiter son corps. L’une des études les plus importantes à ce sujet, la Okinawa Centenarian Study, en offre en quelque sorte le mode d’emploi. Depuis 1976, des chercheurs américains et japonais étudient les facteurs qui rendent la population de l’archipel d’Okinawa, au Japon, plus tonique et plus résistante que le reste de l’humanité. Nulle part ailleurs en effet on ne trouve autant de centenaires que dans cette île du Pacifique. Près de 600 des 1,3 millions d’habitants que compte Okinawa sont en vie depuis déjà plus d’un siècle. Proportionnellement, ils sont donc six fois plus nombreux qu’aux États-Unis. Nombre d’entre eux sont encore très alertes et paraissent plus jeunes qu’ils ne sont. Les cas d’infarctus et de cancers du sein, de l’utérus et de la prostate enregistrés dans la population ne représentent que le quart de ceux des autres pays industrialisés.


Pour vivre vieux, mangez moins !

Les chercheurs commencent à comprendre pourquoi. Respectant des traditions séculaires, les habitants d’Okinawa, les plus vieux notamment, vivent selon des principes reconnus aujourd’hui comme les meilleures recettes contre la sénilité et la confusion mentale, aussi bien par les chercheurs en médecine cellulaire que par les gérontologues, les généticiens et les psychologues, à savoir qu’ils se maintiennent en forme physique et mentale par un exercice régulier. Les habitants d’Okinawa sont passionnés de jardinage, aiment la marche à pied et pratiquent depuis l’enfance une danse religieuse qui s’apparente au Tai-Chi. Ils ont en outre une alimentation exemplaire, pauvre en graisse et en sel, riche en fruits et légumes dont la haute teneur en fibres et anti-oxydants protège du cancer, des maladies cardiaques et des accidents vasculaires cérébraux. Et surtout, la plupart d’entre eux mettent en pratique une ancienne sagesse japonaise appelée « hara hachi bu ». Au lieu de manger à leur faim à chaque repas, les habitants d’Okinawa ne satisfont leur appétit qu’à 80 % environ. De la sorte, ils ne consomment pas plus de 1 800 calories par jour – soit environ le quart de la consommation moyenne d’un Allemand, par exemple. De fait, une stricte réduction calorique est à ce jour l’une des meilleures recettes pour vivre vieux. Des rongeurs à qui l’on ne donne que 60 à 75 % de la dose normale de nourriture voient ainsi leur espérance de vie augmenter de 30 à 50 %.

L’importance de la solidarité et de la spiritualité
L’alimentation spartiate n’ôte pas pour autant leur joie de vivre aux respectables vieillards de l’île. Selon l’étude déjà citée, nombre des nonagénaires et des centenaires sont parfaitement satisfaits de leur sort, contrairement à tant de seniors dans les sociétés occidentales dont une part non négligeable souffre de dépression et où les suicides de personnes âgées ne sont pas rares. Un autre facteur est donc au moins aussi important pour la longévité des habitants d’Okinawa que l’alimentation et l’exercice physique, c’est le sentiment d’être respectés de leurs concitoyens et d’être utiles. De nos jours encore, les habitants de l’île font preuve d’un sens marqué de la communauté et sont attentifs à ce que chaque membre de la société, du plus jeune au plus âgé, soit traité avec respect et estime.
Ce type de réseau social solide et durable, reposant sur une grande famille et de nombreux amis avec qui on peut partager ses joies et ses peines, n’est d’ailleurs pas l’apanage des habitants d’Okinawa. La Sardaigne et la Nouvelle-Écosse, deux autres bastions de la longévité, demeurent elles aussi de petites oasis communautaires dans lesquelles les anciens continuent de trouver attention, aide et assistance auprès des plus jeunes. Au cas même où le sens de la communauté viendrait à manquer, la plupart des vieillards d’Okinawa disposent encore d’un soutien, celui la religion. Par la danse traditionnelle, ils ne font pas que fortifier leur corps. Ils cultivent aussi leur spiritualité. Peut-être, concède le gérontologue Willcox, pourtant attaché à la rigueur scientifique, est-ce finalement « ce qui les gratifie d’une dose de santé supplémentaire ».

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