Saturday, 22 February 2014

INTERVIEW DE SWAMI DAYANANDA SARASWATI

Swami Dayananda Saraswati est un Swami [1] très réputé de la tradition de l’Advaita Vedanta. Capable de s’exprimer couramment dans plusieurs langues, anglais compris, il a pu toucher des centaines de milliers de personnes à travers ses écrits, ses discours et son enseignement. Il a fondé l’Arsha Vidhya Gurukulam, ainsi que plusieurs institutions charitables de par le monde.
Hindu Voice UK l’a rencontré lors de son récent voyage au Royaume-Uni en août 2006.

« Je considère toute personne comme hindoue tant qu’elle n’affirme pas ne pas l’être »

SwamI Dayananda Sarasvati.




     Qu’est-ce qui vous a conduit à devenir Swami ?

     J’ai toujours été attiré par la spiritualité, mais mon intérêt s’est vivement accru après avoir entendu une conférence de Swami Chinmayananda à Madras. J’avais dans les 25 ans, à l’époque, et j’étais journaliste. Je me suis consacré de plus en plus à l’étude des écritures, et j’ai approfondi mes connaissances auprès de différents maîtres spirituels, ce qui m’a conduit à devenir moi-même un Swami.
     Comment votre famille a-t-elle réagi ?
     Le milieu dont j’étais issu était assez traditionnel et religieux, avec une éducation védique et sanskritique de base, mais pourtant, l’idée que je devienne Swami était plutôt mal acceptée. Ils étaient contents que j’étudie ces enseignements, mais désapprouvaient ma décision. Ils savaient que la vie d’un Swami n’est pas une vie facile et ne voulaient pas que je me décide trop vite. Le fait que ce choix entraînerait la perte d’un revenu pour la famille les inquiétait aussi.
     Quel est, selon vous, l’enseignement le plus important de l’hindouisme ?
     S’il ne fallait choisir qu’un aspect, ce serait l’idée que le Divin est l’unique réalité, qui peut être invoquée à travers n’importe quel nom, sous n’importe quelle forme. Tout culte rendu avec un cœur pur est valable. Il peut prendre un million de formes, s’appliquer à tout nom ou support de votre choix. Ceci est le point de vue universel de l’hindouisme. L’hindouisme est une religion très profonde, qui n’est pas fondée sur de simples croyances. Il ne suffit pas de croire, Dieu doit être compris.
     Que vous inspire l’Inde moderne, la direction qu’elle est en train de suivre ?
     Sur un plan économique, l’Inde est dans une bonne voie. Mais politiquement les orientations actuelles sont préoccupantes car elles ont des effets nuisibles pour la culture et la tradition. Des forces bien établies sont à l’œuvre, qui visent à saper l’unité du pays tant sur un plan politique que culturel, et elles ont progressé de façon considérable dans leurs objectifs.
     L’Inde deviendrait-elle trop matérialiste ?
     Pas vraiment. En apparence, on peut avoir l’impression que les Hindous, dans l’Inde d’aujourd’hui, sont devenus très matérialistes et pleins d’avidité. Mais si l’on regarde sous la surface, on se rend compte que ce n’est pas le cas. Les valeurs spirituelles, le sens du devoir, sont toujours très vivants dans toutes les couches et catégories d’âge de notre société. Mais tout le monde, dans ce monde de compétition, recherche la sécurité matérielle. Il y a quelques générations, on vivait dans une société où tout le monde savait ce qu’il ferait avant même d’être né. La vie suivait un chemin entièrement pré-établi. Il n’y avait aucune raison de s’inquiéter parce que c’était un environnement sans compétition. Mais ce monde est en train de disparaître. Subitement, les Indiens d’aujourd’hui se retrouvent plongés dans une concurrence intensive. Tout le monde est en compétition pour les emplois, les ressources. C’est comme si on mettait un chat domestique dans un milieu sauvage.
     Et selon vous, est-ce une bonne ou une mauvaise chose ?
     Je ne peux pas dire si ce changement est bon ou mauvais, mais c’est la réalité, et on ne peut pas revenir en arrière.



     Vous avez beaucoup voyagé hors de l’Inde. Quel est votre point de vue sur la société occidentale ?
     Je n’ai aucun problème particulier avec l’Occident. Les occidentaux ont accompli beaucoup de choses. Mais ils ont atteint un stade de matérialisme extrême qui les met en face de certaines réalités difficiles : toutes ces maladies mentales, ces problèmes de dépression, etc., si répandus en Occident, même chez les gens riches financièrement parlant. La sagesse de l’Inde ancienne offre des solutions à de tels problèmes. La société a besoin de comprendre que le plus important, pour une personne, est d’être en harmonie avec soi-même, et que nous devons découvrir qui nous sommes vraiment.


     Vous avez fondé, récemment, le « Hindu Dharma Acharya Sabha ». Quels sont ses buts ?

     C’est une organisation qui permet à tous les chefs spirituels des anciennes écoles hindoues de se rassembler dans une fédération. Beaucoup de problèmes qui concernent l’hindouisme nécessitent une prise de position collective de la part des dirigeants religieux. Les événements récents au temple de Tirupati Balaji, où le gouvernement de l’état d’Andhra Pradesh, dirigé par un chrétien « born again » a essayé de confisquer des terres appartenant depuis longtemps au temple pour les vendre aux enchères à des groupes chrétiens, nous ont vraiment réveillés. Nous avons réussi à nous unir face à cela, et le gouvernement de l’AP a reculé.



     Certains Hindous disent que le fait de se mêler des problèmes de la société et des conflits qui la traversent , ou même d’avoir des opinions marquées sur ces sujets, comme, en particulier, le problème des conversions religieuses, est « anti-spirituel » et que c’est un comportement inapproprié pour un Swami. Quelle est votre position sur cette question ?

     Un sadhu ne peut pas participer directement aux affaires politiques. Cependant, je suis en droit de prodiguer des conseils, comme le faisaient Vashista [2] et Vyasa [3], si quelqu’un les recherche. 


      Actuellement, la société hindoue en est à un stade où n’importe qui peut être appelé à s’acquitter de devoirs qui ne lui sont pas assignés selon la tradition. Par exemple, les rôles traditionnels attribués aux Kshatryas [4] au sein de la société ne sont pas assumés par ceux qui ont cette ascendance, et donc tous ceux qui ont une disposition naturelle à jouer ce rôle devraient le faire.



     Selon vous, une personne qui n’est pas hindoue de naissance peut-elle le devenir ?

     Je considère toute personne comme hindoue tant qu’elle n’affirme pas ne pas l’être.




Notes : 

[1] Titre honorifique signifiant « maître de soi-même », attribué aux maîtres spirituels.

[2] Vashista : rishi védique, frère d'Agastya, auquel on attribue un grand nombre d'hymnes des Veda. Vasistha et Agastya sont tous deux des descendants de Mitra ainsi que de Varouna, le Dieu de la mer.

[3] Vyasa : rishi védique, semi-divin, auteur de la grande épopée du Mahâbhârata. C'est également lui qui aurait mis en forme les hymnes du Veda tels qu'ils nous sont parvenus

[4] Membres de la caste des princes et des guerriers.



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