Non, ce ne sont pas des produits pays. Pourtant, ils font désormais partie de la culture réunionnaise. Nous vous racontons leur histoire, souvent étonnante.
- Le Baron d’Arignac est né en Guadeloupe !
On l’aime ou on trouve qu’il "tape" un peu, mais toute la Réunion connaît le nom de ce Baron-là. Pourtant, il semble qu’il n’a jamais existé de baron d’Arignac dans l’histoire de la noblesse française. Qu’importe : le nom a été judicieusement trouvé pour attaquer le marché… guadeloupéen. C’est en effet là-bas qu’a été conçu ce vin, il y a maintenant 35 ans, par la société des Grands Chais, qui cherchait un goût adapté à cette terre sucrière. Résultat : divers cépages assemblés dans les caves de Landiras, en Gironde. Au début des années 80, il aborde les tables réunionnaises et ne va pas tarder à s’imposer, succédant à Covino et au Vin Royal, de la gamme en-dessous. Il aurait même atteint 88% de parts de marché à une époque. Un Baron conquérant qui fut longtemps "le vin des grandes occasions".- Sovaco le beurre venu du nord
C’est plutôt drôle : pour trouver du beurre Sovaco en métropole, il est conseillé de se tourner vers les boutiques spécialisées dans les produits tropicaux, alors que ce beurre vient de… Liévin, dans le Pas-de-Calais. C’est la société Briois, créée il y a bientôt 80 ans, qui a lancé cette marque pour viser l’exportation. D’où l’idée du packaging qui fait toute la différence, en boîte hermétique métallique. Le beurre est "sans conservateur ni additif, composé uniquement de lait et de ferment lactique", explique la société. Il est donc "d’excellente qualité" pour obtenir "une date limite de consommation la plus éloignée possible". Pour les beurres "classiques, la durée de vie est de l’ordre de 60 à 80 jours, pour le Sovaco, elle est d’un an. Bien vu : non seulement le Sovaco est devenu culte à La Réunion, mais il fonctionne aussi très bien aux Antilles, s’est fait une petite place en Afrique et en Asie et même en Californie ! Comme chacun sait, on le trouve en "doux" ou "demi-sel", mais toujours en 250g.
- Le boeuf Sevima vient de Lourdes
Ce n’est pas du boeuf brésilien ou argentin mais européen ! Oui messieurs-dames, Sevima c’est du sérieux, implanté dans l’île depuis une bonne quarantaine d’années. La marque existait à Madagascar et alimentait notamment l’armée française. Puis le fondateur de la société Toupnot, basé à Lourdes, a signé un accord de partenariat pour finir par racheter Sevima et rapatrier toute la fabrication dans la cité des miracles. Chez Toupnot, l’export est une cible privilégiée, puisque représentant 80% de la production. Quant à la recette du "boeuf assaisonné" vendue chez nous, elle a été spécialement conçue pour La Réunion et n’a pas varié depuis l’origine. Ce n’est d’ailleurs pas du corned-beef mais du "boeuf assaisonné", nuance !
- Dakar + Tartines = Dakatine
Vous dites "réfrigérateur", vous ? Non, "frigo", diminutif de la marque "Frigidaire". Pour le beurre de cacahuète, à la Réunion, c’est pareil : on prononce la marque du produit et tout le monde connaît. Dakatine fait donc partie des meubles depuis bien longtemps. Le nom vient de "Dakar Tartines", inventé à l’endroit même où est fabriqué cette pâte qu’on accomode en rougail : Strasbourg. Etonnant, non ? C’est un spécialiste de la farine, les Grands Moulins de Strasbourg, qui a lancé la production avec les graines d’arachide cassées ou de trop gros calibres que refusaient les grandes industries pâtissières. L’arachide est importée d’Argentine, transformée en Alsace et distribuée dans les années 60 en région parisienne, en direction des communautés venues d’Afrique (d’où son nom). Puis la marque a touché des pays africains et, bien entendu, La Réunion, qui repésente tout de même 10 % de la production totale de Dakatine. D’ailleurs, n’allez pas croire qu’elle est identique au "peanut butter" américain. Là-bas, du sucre est ajouté alors que la Dakatine, c’est uniquement de la pâte d’arachide puisqu’elle est destinée à la cuisson.
- Gérard la Réunion et le Japon
Sur l’étiquette est écrit "Camembert de France" et c’est vrai. Mais ce camembert-là ne vient pas de Normandie puisqu’il est fabriqué en Haute-Marne, tout près des Vosges. Ce n’est pas la moindre originalité de ce produit commercialisé depuis au moins 60 ans dans l’île. Il est même tellement étonnant qu’un mémoire de fin d’étude lui a été consacré, pour la prestigieuse école de commerce Edhec. L’étudiante, Geneviève Ho Cho, explique que seuls les expatriés en Chine, au Japon le connaissent, en plus évidemment des consommateurs réunionnais. La marque provient du nom du fondateur de l’usine de production, à Illoud, une petite commune de Haute-Marne. Depuis, elle a été rachetée par le groupe Bongrain, qui détient aussi le célèbre Caprice des Dieux. Apparemment, le succès du Gérard au Japon est dû à son goût relativement neutre. Quant à la réussite à La Réunion, elle s’explique grandement par le conditionnement, qui permettait au Gérard de se passer de réfrigération. Il voyageait dans la cale des bateaux avec le fromage "coco le mort", dans sa boîte de conserve qui lui assure une durée de vie d’un an, au lieu de 25 jours pour les camemberts "classiques". Vous vous souvenez sans doute du slogan : "Gérard lé kalou" !
- "Johnnie", le whisky incontournable
1,4 millions de bouteilles vendues à La Réunion, soit 1% de la production mondiale ! C’est l’incroyable statistique enregistrée par Johnnie Walker l’année de ses 100 ans, en 2007. Faut-il vraiment s’en réjouir ? En tout cas, avec près de 30 ans de présence dans l’île, la marque détient autour de 65% des parts de marché. A partir des années 80, le whisky est devenu plus "classe" que le rhum dans les grands événements. La marque a du coup joué à fond l’image du "premium" avec même un "cercle des connaisseurs" de Johnnie Walker.
- Marie Brizard, la noblesse bordelaise
En résumé, Marie Brizard c’est 40 000 bouteilles vendues chaque année, un mariage éternel avec le pâté créole, une ligne mythique dans "Grand-mère" d’Ousanousava… Bref, cette Bordelaise au grand âge est une vraie créole ! Le groupe Mascarin n’est pas prêt de lâcher la distribution de cette marque culte dans la tradition péi. La recette de la Marie Brizard est tenue secrète depuis 1755 et le produit n’a jamais été produit ailleurs qu’à Bordeaux, là où il est né. Quant à savoir pourquoi Marie Brizard fonctionne si bien chez nous, c’est encore assez mystérieux. A moins que l’utilisation de l’anis pour les sarcives ait aussi contribué à son succès ? Pour la petite histoire, sachez tout de même que Marie Brizard a bien existé pour de vrai. Elle était la fille de Pierre Brizard et Jeanne Laborde, née le 28 juin 1714. Elle a vécu 86 ans.
- Le saucisson Gaul
C’est un petit cousin de Cochonou et Justin Bridou puisqu’il fait partie du même groupe de salaisons, Aoste, du nom d’une petit ville de l’Isère. Le succès de ce saucisson sous nos tropiques est évidemment dû à la paraffine qui l’entoure, permettant une longue conversation, y compris sous des températures élevées. Sa commercialisation a commencé il y a 25 ans vers les Antilles avant de s’étendre vers La Réunion.
- Pigeon, la savate du peuple
En anglais, ce sont les "White Dove", donc les colombes. Et pourtant, ces savates, les plus célèbres de l’île, sont baptisées Savates Pigeon. Tout le monde en a, ou en a eu, ou en veut. Bref, c’est LA savate pays, celle du peuple. Seule info à vous fournir : elle vient de Chine, comme vous vous en doutez. La vraie énigme, c’est la mesure de la taille. Perso, c’est 11 1/2, en vous ?
- Robert, l’emblème !
Dans les années 60, elle fut l’une des premières marques de sardines importées à La Réunion, ce qui explique certainement son incroyable succès. Les sardines Robert appartiennent au mastodonte Saupiquet et, ainsi qu’indiqué sur les boîtes, proviennent du Maroc. A La Réunion, elles sont numéro 1 du marché, et de loin, avec des dizaines de milliers de boîtes vendues chaque mois. Depuis peu, vous avez sans doute remarqué l’arrivée de deux nouveautés : les Robert à l’huile et au piment et un nouveau packaging, en format familial.
- Les allumettes suédoises
Les petites allumettes appartiennent à un géant suédois, Swedish Match, qui fabrique et commercialise aussi des cigarettes, des briquets et du tabac à chiquer. Ces trois étoiles sont devenues leader sur le marché réunionnais.
- Pompeia, le parfum du passé
"Les premières impressions olfactives plongent l’esprit dans une douceur fastueuse et rassurante avec une envolée candide et poudrée de roses, jasmin, ylang-ylang et iris, rafraîchie par les accents dynamiques du citron, de la lavande et du géranium". C’est précisément ainsi qu’est décrit le parfum Pompéia sur le site de son fabricant, la société Piver. Et ça continue : "Mais bien vite cette délicate tranquillité se corse des notes vibrantes du patchouli. Envoûtant, il nous entraîne dans une danse ensorcelante sur un fond animalisé. Et c’est avec bonheur que l’on s’abandonne à cet élixir féminin, sensuel, magique, qui attire comme un aimant". N’en jetez plus ! En tout cas, Pompeia est devenu culte chez nous, tandis qu’aux Antilles et à Haïti, il paraît qu’il est utilisé dans les cérémonies vaudou. Quant à Piver, ce n’est pas un petit nom de la parfumerie puisque le premier ancêtre de Louis Toussaint Piver fournissait la cour de Louis XVI !
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